Postulat n° 72 (2021-2026) - Rapport final du Conseil communal

Résumé du postulat

La consommation énergétique pour répondre aux besoins en chaleur et en froid dans les processus industriels et les bâtiments représente la part la plus importante de la consommation énergétique nationale. Elle présente donc un défi de premier ordre pour permettre à la Suisse d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés dans sa stratégie énergétique 2050.

D’ici 2050, les besoins en chauffage pourraient baisser d’au moins un quart, alors que ceux en refroidissement pourraient presque doubler. Selon les scénarios climatiques pour la Suisse, […] des étés plus chauds pourraient se traduire par 18 jours de fortes chaleur par été en moyenne suisse contre 1 jour sur la période 1981-2010.

La Ville de Fribourg s’est dotée d’une planification énergétique territoriale en 2018 […]. Selon l’analyse effectuée et les données à disposition, […] 77 bâtiments ont été identifiés comme preneurs de froid potentiels. Néanmoins, aucune réflexion concernant une anticipation de besoin en froid des bâtiments communaux […] n’a été réalisée et n’est pas à l’heure actuelle intégrée.

Par ce postulat le Conseil communal est prié:

-           d’intégrer le concept de rafraichissement/refroidissement lors de toute nouvelle construction et rénovation sur le territoire de la commune;

-           d’analyser la possibilité de développer des réseaux de froid à distance (FAD) en ville de Fribourg;

-           d’étudier et quantifier avec une plus grande précision la demande en froid […] des bâtiments communaux en anticipant l’augmentation de la température;

-           de mettre en place des mesures pour accompagner le raccordement/développement des solutions de froid renouvelable.

Réponse du Conseil communal

Préambule

Comme indiqué dans le postulat, la Ville de Fribourg s’est munie d’une planification énergétique territoriale en 2018, qui a permis d’identifier les besoins et les ressources caractérisant son territoire. Celle-ci s’est focalisée sur la valorisation des ressources locales (solaire, géothermie, bois, eaux usées et eaux de surface notamment), la promotion de l’efficacité énergétique, la réduction de la consommation d’énergie fossile et nucléaire. Cette planification constitue la stratégie pour le développement énergétique de la Ville jusqu’en 2035 et celle-ci est axée sur la réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre (GES) en priorisant l’application de mesures en lien avec l’approvisionnement en chaleur. Si les besoins de froid seront amenés à croître à l’avenir, compte tenu de l’évolution des températures, ceux-ci ne sont pour l’heure pas directement prioritaires dans l’application de la planification énergétique de la Ville de Fribourg. Cependant, des leviers passifs existent et sont actuellement mis en œuvre. Ils sont décrits dans cette réponse, dont les demandes sont reprises ci-après.

Intégrer le concept de rafraîchissement/refroidissement lors de toute nouvelle construction et rénovation sur le territoire de la commune

L’intégration des concepts de rafraîchissement et/ou d’humidification, respectivement de déshumidification, sont de la compétence des Services cantonaux, respectivement du Service de l’énergie (SdE) lors de la phase de demande d’autorisation. La procédure à suivre ainsi que les exigences techniques à respecter pour la conception, la mise en place et le remplacement des installations de rafraîchissement et d’humidification/déshumidification sont régies respectivement par les formulaires EN-105 et EN-110[1] du SdE et leur aide à l’application éditée par la Conférence des services cantonaux de l’énergie[2] (EnFK). Ces deux documents se réfèrent quant à eux à la norme SIA 382/1[3] dans laquelle les règles de dimensionnement et les méthodes d’exécution sont définies. Ainsi, la conformité des installations est garantie par les Services cantonaux et il n’apparaît pas opportun de s’y substituer ou de les compléter à ce niveau.

Possibilité de développement de réseau FAD en ville de Fribourg

Le développement de réseaux de FAD est fortement contraint par différents facteurs. L’analyse économique d’un réseau FAD n’étant pas différente d’un réseau thermique, ces réseaux nécessitent par conséquent une densité énergétique conséquente afin d’être viables économiquement. Les données issues de la planification énergétique[4] identifient 77 bâtiments comme preneurs de froid potentiels. Bien que sommaires, les données démontrent tout de même que le développement de grands réseaux de froid sur le même modèle que les réseaux de chauffage à distance de Fribourg est compromis en raison des distances séparant les différents bâtiments, ceci impactant négativement la densité nécessaire. Des réseaux de moindre envergure pourraient en revanche être considérés localement là où la densité s’avère être suffisante. Les centres commerciaux du plateau de la gare ont été évoqués dans la planification énergétique de 2018, mais il convient également de citer le déploiement d’un réseau par Groupe E sur le site universitaire de Pérolles, reliant huit bâtiments de l’Université et de la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg[5], depuis la centrale de Placad 2.0[6] alimentée par le lac de Pérolles.

La mise en œuvre de tels réseaux constitue également un écueil additionnel dans la planification des services dans les sous-sols de la ville. La pose d’un réseau supplémentaire de grande taille en parallèle des réseaux existants (eaux, gaz, CAD, communication, électricité) semble en effet difficilement réalisable dans certains secteurs, notamment dans les zones historiques de Fribourg.

Etudier et quantifier avec une plus grande précision la demande en froid des bâtiments communaux

La Ville de Fribourg est consciente du manque de données précises concernant les besoins de froid sur son territoire, que cela soit en termes de besoins, de confort ou de process. La qualité et la quantité de ces données ne vont pour l’heure pas au-delà des estimations du chapitre présenté dans la planification territoriale de 2018. Une augmentation de la qualité et de la quantité de données pourrait être obtenue par une étude dédiée, mais celle-ci dépendra également du bon vouloir des propriétaires à communiquer leurs données, particulièrement en ce qui concerne les besoins de process. Des besoins de froid de confort peuvent être estimés en fonction des caractéristiques des bâtiments (âge, qualité de l’enveloppe, surface vitrée, orientation, etc.) si les consommations ne sont pas volontairement communiquées, mais les besoins de froid process sont quant à eux particulièrement difficiles à appréhender car ils sont très dépendants du type d’activité. Une étude approfondie permettrait effectivement une meilleure cartographie des besoins de froid sur le territoire communal, mais celle-ci n’est cependant pour l’heure pas planifiée par les secteurs concernés.

Concernant les besoins de froid des bâtiments communaux, trois sites sont actuellement concernés par des besoins de froid de process, à savoir la Maison de Justice à la rue des Chanoines 1 (conditionnement de locaux d’archives), le bâtiment de l’Edilité à la rue Joseph-Piller 7 (refroidissement de serveurs), et l’Hôpital des Bourgeois à la rue de l’Hôpital 2 (refroidissement de serveurs). Concernant les serveurs informatiques présents à l’Hôpital des Bourgeois, il est prévu de les déplacer dans le bâtiment BatPol, actuellement en construction, à la route de l’Aurore 4, lequel sera conforme au standard Minergie-P.

Mise en place de mesures pour accompagner le raccordement/développement des solutions pour le froid renouvelable

Il convient de rappeler que tout dispositif permettant de rafraîchir des locaux consomme une quantité variable d’énergie électrique selon le type de moyen mis en œuvre (climatisation, free-cooling, PAC réversible, etc.) et le type de locaux ainsi que la performance thermique du bâtiment.

Ainsi, la Ville de Fribourg préférera soutenir en amont les mesures préventives passives de lutte contre les excès de chaleur. Un premier levier de la Ville se situe au niveau des différents outils d’aménagement du territoire. Le Plan d’aménagement local (PAL) en cours de révision[7] fixe pour les nouveaux périmètres de Plans d’aménagement de détail (PAD) des objectifs relatifs au respect de certains standards de construction. Il conviendra donc aux développeurs de ces PAD de démontrer que les objectifs requis pourront être atteints. Parmi ces labels figurent entre autres les standards SNBS (construction ayant des contributions sur de multiples volets de la durabilité), Minergie-Quartier (efficacité énergétique et garantie de confort), ou SEED (durabilité, solidarité et respect de l’environnement). De plus, le nouveau PAL ancre au travers de ses prescriptions différentes mesures permettant une atténuation de la chaleur urbaine par la qualité de la végétation et contribue ainsi passivement à la lutte contre les excès de chaleur dans les bâtiments (protection et plantation d’arbres, indice de surface verte naturelle, etc.).

Un second levier concerne le parc bâtiment de la Commune elle-même, tant au niveau de la construction de nouveaux bâtiments que de l’assainissement de bâtiments existants, selon les mêmes types de labels mentionnés précédemment.

  • Villa Thérèse                     Minergie                                   2002
  • Heitera E                             Equivalence Minergie          2013
  • Botzet C +D                        Equivalence Minergie          2013
  • DOSF D + E                         Equivalence Minergie          2017
  • Vignettaz D                        Minergie-P                               2020

Concernant les mesures d’accompagnement déjà existantes, la Confédération offre un soutien via l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) par le programme Profrio3. Celui-ci permet d’améliorer l’efficacité des installations frigorifiques par diverses mesures (optimisation, assainissement, remplacement d’appareil, etc.). Ce programme est en place depuis 2021 pour une durée de 3 ans jusqu’à épuisement du fonds de soutien.

Les audit PEIK lancés par le programme SuisseEnergie de la Confédération permettent également aux PME de bénéficier d’un soutien pour une expertise afin d’optimiser les installations existantes. Au soutien de SuisseEnergie s’ajoute le soutien financier du canton de Fribourg à hauteur de CHF 1'000.- au maximum par site. Ce montant sera adapté pour ne pas dépasser un taux de subventionnement global de 75%.

Ainsi, la Ville de Fribourg ne souhaite pas ajouter de soutiens supplémentaires qui pourraient se révéler être de mauvais incitatifs encourageant un développement superflu de moyens techniques de rafraîchissement, ceux-ci ayant de plus le double inconvénient de participer au réchauffement global tout en masquant ses effets.

Conclusion

La Ville est consciente des enjeux mentionnés dans le développement du postulat quant à l’augmentation des besoins de froid, principalement ceux de confort, conséquence de l’élévation globale des températures. Cependant, la priorité de la transition énergétique sur le territoire communal est axée sur la transition des besoins en chaleur vers des ressources majoritairement décarbonées, conformément à la planification énergétique établie en 2018 et la stratégie communale en découlant jusqu’en 2035.

Ainsi, il n’est actuellement pas prévu de réorienter la stratégie communale en favorisant ou en planifiant spécifiquement des mesures liées aux besoins de froid, de développer des réseaux de froid au-delà des infrastructures déjà existantes et mises en œuvre par des prestataires privés, ni d’intégrer de manière systématique un concept de rafraichissement pour toute nouvelle construction ou rénovation sur le territoire communal. Il en va de même pour les mesures d’encouragement liées aux solution de froid renouvelable. Afin d’éviter de mauvaises incitations, le Conseil communal préfère encourager les mesures préventives passives de lutte contre le chaud plutôt qu’ajouter un nouveau soutien pour la mise en œuvre de nouveaux moyens techniques.

Cependant, si la planification énergétique communale ne traite pas de manière directe des mesures liées aux besoins de froid, la Ville œuvre tout de même en faveur du confort thermique des occupants de ses bâtiments, notamment au travers de l’assainissement de ses bâtiments à des standards élevés en matière de confort, d’enveloppe du bâtiment et de faible consommation énergétique. La Ville n’exclura pour autant pas l’installation d’une production de froid locale si des solutions passives ne peuvent être mises en œuvre et que l’occupation de locaux nécessitait un besoin spécifique de rafraîchissement.

Le postulat n° 72 est ainsi liquidé.

[1] Etat de Fribourg – Service de l’énergie, Formulaire EN-110, janvier 2020

[2] Conférence des services cantonaux de l’énergie, Aide à l’application EN-110, décembre 2018

[3] SIA, 382/1 - Installations de ventilation et de climatisation – Bases générales et performances requises, juillet 2014

[4] Planification énergétique territoriale Ville de Fribourg, Greenwatt et Navitas Consilium SA, août 2018

[5] Permis de construire du réseau délivré par l’Etat de Fribourg le 21 septembre 2021

[6] Procédure de demande de permis en cours, enquête publique du 25 février au 10 mars 2023

[7] 5ème mise à l’enquête publique, 29 avril au 28 mai 2023